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À la lecture du texte de Charlotte Monnier, j’ai d’abord ressenti un potentiel fulgurant de transmission, sans aucune complaisance. Ces six cent quatorze alexandrins d’une puissance incomparable réussissaient à mes yeux l’exploit de l’humilité.

Il fallait permettre à ce propos personnel de trouver sa voie scénique, c’est pourquoi la première décision de mise en scène a donc été de matérialiser le sujet du spectacle, à savoir l’anorexie. L’alexandrin et sa forme déjà précieuse devait être désacralisée par un objet quotidien suffisamment significatif pour représenter quelque chose de pointu mais qui laisserait néanmoins à l’imaginaire de chacun le choix de l’interprétation.

Grâce aux échanges riches avec Sylvain Blanchard, co-metteur en scène, nous avons pris le parti du théâtre d’objets, loin du premier degré. Ainsi, le plateau se divise en deux parties distinctes. A jardin, l’inexorable défi de la maladie représenté par un lit, tour à tour berceau protecteur de l’enfance, refuge impersonnel de l’hôpital, lieu d’intimité, baignoire. Le drap couvrant ce lit est à la fois un costume héroïque, une cachette, un gouffre, ou encore un linceul. Côté cour, la présence au piano de Jérémie Kisling offre à la comédienne une douceur équilibrante. Il représente cette flamme fragile mais vibrante tapie au plus profond de la maladie, une projection des possibles.

 

Au cours du travail la forme du conte s’est imposée, avec ses thèmes et ses personnages : l’héroïne, les êtres imaginaires, le manichéisme, le statut familial, l’apparence physique, l’interdiction, la transgression, la quête et la résolution. Nous avons choisi la simplicité et le dépouillement pour offrir à chaque objet, situation ou intention, la possibilité de percuter le spectateur, selon son propre imaginaire. Ainsi, par exemple, une paire de Louboutin, symbole moderne de la confiance féminine, devient l’aiguille assassine d’une balance qui pèse plus les mots que les os.

Claude Régy, grand maître de la mise en scène, disait : Au théâtre tout élément devient porteur de sens. Mais, pour que cela soit possible, il faut tout d’abord dépouiller la scène, préparer le vide pour retrouver l’essence de la création artistique.

 

Virginie Barbiera - Metteuse en scène

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